En France, près d’un tiers des personnes vivant durablement dans la rue souffrent de troubles psychiques graves, allant de pair avec un très mauvais état de santé global. Leur espérance de vie est d’ailleurs réduite de 30 à 35 ans par rapport à la population générale. Ces personnes particulièrement vulnérables échappent aux dispositifs classiques d’accompagnement. En réponse à cette problématique spécifique, un programme d’expérimentation novateur a été mené dès 2011. Visant à apporter des réponses adaptées et concrètes, les résultats se sont révélés concluants, chiffres à la clé. Généralisé depuis janvier 2017, le programme “un chez-soi d’abord” correspond à un dispositif innovant pour réinsérer les sans-abris atteints de troubles mentaux sévères.

Un dispositif éprouvé en amont

Un programme validé en Amérique du Nord

Ayant déjà fait ses preuves aux Etats-Unis (baptisé Housing First) dès les années 1990 puis au Canada, l’enjeu était de voir si le modèle pouvait se transposer dans le contexte français.

Outre-Atlantique, le programme avait permis l’obtention de résultats concluants. En effet, 80% des personnes accompagnées restaient dans leur logement après 4 ans. De nombreux paramètres médico-sociaux et économiques avaient été mesurés pour démontrer le succès. 

Une transposition d’abord expérimentale en France

Issu d’une initiative interministérielle, le programme a été lancé en France en 2011 par les ministres en charge du logement et de la santé. Financé par l’Etat, il a d’abord été expérimenté auprès de 800 personnes sur 4 sites (Paris, Marseille, Toulouse, Lille) pendant une durée de 3 ans. Ainsi, ces personnes sans-abris atteintes de troubles mentaux étaient accompagnées par 40 professionnels et suivies par des équipes de recherche. 

Sur chacun des sites, le programme était mis en œuvre par des porteurs associatifs et hospitaliers, en lien étroit avec les administrations institutionnelles (préfectures, directions départementales de la cohésion sociale et agences régionales de santé). Les collectivités locales et les acteurs du logement faisaient également partie de la boucle.

Un changement de la logique d’accompagnement des plus précaires

Les principes du dispositif

Les grandes lignes du programme reposent sur la proposition d’un accès direct à un logement ordinaire et durable depuis la rue, sans condition de traitement ou d’abstinence (addictions) et sans passer par une phase d’hébergement d’urgence. En parallèle, un accompagnement intensif par des intervenants sociaux et médicaux est mis en place. 

La formule de location du logement est encadrée et sécurise à la fois le bailleur et le locataire. Notamment, le bailleur a la garantie du paiement du loyer dans les temps et de la remise en état de l’appartement si besoin.

Un accompagnement pluridisciplinaire soutenu

L’accompagnement se veut  intensif et pluridisciplinaire, englobant tous les aspects de la vie (santé, logement, emploi, citoyenneté…) avec l’idée de rendre ces personnes actives et actrices de leur réinsertion et de leurs soins.

La personne logée bénéficie d’un accompagnement par des équipes à la fois constituées de professionnels de santé (médecin psychiatre, addictologue, généraliste, infirmier…) et d’intervenants sociaux de terrain. 

De plus, d’autres corps de métier complètent cette chaîne d’intervention. Ce sont des spécialistes du logement mais aussi des personnes, appelées « médiateurs de santé-pairs », qui ont elles-mêmes connu la rue avec des troubles mentaux.

Un déploiement à l’échelle nationale

Des études scientifiques pour affirmer les bénéfices

Une étude comparative randomisée a été menée pour appuyer les fondements solides du succès du programme. Ainsi, sur chaque site, 2 groupes de personnes ont été suivis et évalués par une équipe de recherche : la moitié bénéficiait de l’accès direct au logement « un chez soi d’abord » et l’autre moitié avait des services dits classiques.

Les résultats du modèle « un chez soi d’abord » étaient bien plus probants que ceux d’une prise en charge classique. Cela concernait aussi bien des critères de bien-être que de santé mentale ou de réinsertion sociale. 

Une vingtaine de sites actuellement en France

Afin de proposer un accès au plus grand nombre, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (DIHAL), chargée de la mise en œuvre de ce dispositif, a pour objectif de poursuivre la couverture d’un maximum de zones, y compris en secteur rural. À ce jour, ce sont plus de 20 sites qui sont activement à pied d’œuvre.

Article mis à jour le 10/10/22